Comment Trish Deseine s'est mise à la cuisine vegan par amour - Elle à Table (2024)

Comment Trish Deseine s'est mise à la cuisine vegan par amour - Elle à Table (1)

Qu'est-ce qui peut pousser une farouche omnivore à abandonner la côte de boeuf au profit des côtes de blettes ? L'amour, bien sûr ! Une aventure que la gastronome irlandaise nous raconte dans son nouveau livre.

Par Alix Girod de l'Ain

En mars 2000,lorsque la fameuse gastronome Trish Deseine s’est retrouvée confinée avec un chéri vegan, sa vie a changé. Fini camemberts et poulets rôtis, place aux choux braisés et aux currys de patates douces. De cette expérience, la belle Franco-Irlandaise a tiré un livre de recettes sans produits animaux, mais pas sans saveurs, promis ! Son titre ? « La (Bonne) Cuisine veggie et vegan d’une omnivore réticente (mais amoureuse) ». Récit d’une métamorphose gourmande.

©Gunda Dittrich

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ELLE. Le gâteau au chocolat qui vous a rendue célèbre est plein de beurre, et vos escalopes de veau à la crème sont légendaires. Que vous est-il arrivé ?

Trish Deseine.L’amour ! [Rires.] Début 2020, j’ai rencontré un Britannique avec lequel les choses sont vite devenues sérieuses. Nous étions ensemble dans ma maison de la Sarthe lorsque le président Macron a annoncé le confinement. Andrew, mon amoureux, a décidé de ne pas rentrer en Grande-Bretagne, et j’ai compris que ma vie allait changer… Un peu parce que, à l’époque, on nous annonçait l’apocalypse sanitaire (« Nous sommes en guerre ! »), beaucoup parce qu’il est quasiment vegan… et moi, résolument omnivore. Comme tout le monde, je ne savais pas encore combien de jours, semaines, mois, cet enfermement à trois (lui, ma chienne et moi !) allait durer.

ELLE. Et pourquoi avoir choisi son camp à lui ? Vous auriez pu garder chacun vos habitudes alimentaires, deux assiettes pour la paix du ménage...

T.D.En fait, depuis l’enfance, l’odeur de la viande et celle des laitages dégoûtent profondément Andrew. Il n’est pas devenu antiproduits animaux par philosophie, bien que ça soit très respectable, mais il l’a toujours été, et je sentais que je ne m’en sortirais pas en planquant mon saint-félicien au fond du frigo. [Rires.] Plus sérieusem*nt, en plus de vouloir lui faire plaisir, m’initier à cette cuisine que je connaissais assez mal m’a semblé constituer une bonne façon d’occuper le confinement. Et un sacré défi à la cuisinière avide d’umami et de saveurs carnées que je suis. D’autant plus que ça va dans le sens de l’époque : depuis quelques années, nous essayons tous de manger moins de viande, mais ça reste souvent un vœu pieux. Là, j’avais l’occasion – et le temps – d’expérimenter à fond. Pour la première fois de ma vie, je me retrouvais face à quelqu’un qui n’aimait pas ma cuisine, il fallait réparer mon orgueil blessé… [Rires.] Et Andrew est d’autant plus difficile à nourrir qu’il n’aime pas manger froid, je ne pouvais pas m’en sortir avec des salades, j’ai vraiment dû retrousser mes manches !

ELLE. C’est lui qui vous a appris à cuisiner vegan ?

T.D.Pas vraiment. Il maîtrise quelques préparations, mais un peu comme ces hommes qui ne cuisinent que le week-end, et toujours les mêmes quatre ou cinq plats qu’ils refont à l’identique. J’ai dû me documenter et faire des essais, encore et encore, pour arriver aux 80 recettes du livre. En revanche, moi qui mangeais très peu épicé, j’ai appris, grâce à Andrew, à cuisiner et surtout à apprécier le piment, dont il raffole !

ELLE. Dans cette cuisine vegan, qu'est-ce qui vous a le plus manqué ?

T.D.Le beurre [cri du cœur] ! Vivre sans beurre, quel intérêt ? Surtout pour moi qui aime les tartines doublement beurrées (une couche qui fond, une couche froide). Mais au début d’une histoire d’amour, on veut faire comme l’autre, alors j’ai appris à m’en passer… Surtout qu’Andrew est comme un chien truffier, il le renifle à cent mètres, même planqué. Vous auriez vu ma tête, lorsque, lors de nos rares sorties à la boulangerie, il demandait des croissants à la margarine ! Déjà que, dans mon village de 250 habitants, on ne raffole pas des Anglais… Bref, j’ai essayé de compenser avec des beurres vegan, qui marchent pas mal avec les pâtes, mais ça ne vaudra jamais l’authentique. Dans le livre, d’ailleurs, je n’utilise pas de « faux » fromage, bacon, viande ou autre. Pour trouver du plaisir, de l’umami, j’ai plutôt misé sur des épices et des sauces que je commandais sur Internet [lire en page suivante]. Sans cette possibilité d’être livrée à ma porte, même au fin fond de la campagne, ni mon confinement ni ces recettes n’auraient eu la même saveur ! Merci le XXIe siècle…

ELLE. Il y a beaucoup d'influences asiatiques dans votre livre.

T.D.Et c’est normal, car, dans des pays comme l’Inde, la tradition du végétarisme est millénaire et les recettes sont fabuleuses. Les Japonais sont également super-forts pour cuisiner des légumes presque aussi goûteux qu’une viande, et la cuisine de Méditerranée (Israël, Palestine, Liban) est passionnante. Au début de mon expérience, j’ai commandé beaucoup de livres de confrères pour trouver de l’inspiration. Décarner son alimentation, c’est s’ouvrir l’esprit, voyager. Et je trouve que cuisiner avec des contraintes précises est plutôt stimulant. Un cadre, ça aide. Dans le livre, je propose des recettes 100 % végétaliennes mais aussi des alternatives végétariennes, car, se passer complètement d’œufs, je trouve ça trop dur, surtout pour les desserts.

ELLE. Avez-vous perdu du poids pendant cette expérience ?

T.D.Au début, beaucoup. Mais je crois que c’est surtout parce que j’étais amoureuse ! J’ai vite tout repris… En voyant comment Andrew s’alimentait, j’ai compris que « vegan » n’est pas forcément synonyme de « sain » ; il mange beaucoup de choses frites, de graines riches, de chocolat, il boit de l’alcool… Son régime n’est pas restrictif en calories, c’est sûr !

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ELLE. Et, après les confinements, vous êtes restée sur la même ligne ?

T.D.Oui et non. Déjà, notre histoire d’amour, qui restera une parenthèse merveilleuse, s’est achevée. Et j’ai réintroduit de la viande et des laitages dans mon assiette. Mais j’ai vraiment pris goût à ces nouvelles saveurs, et, si manger une côte de bœuf reste une fête, je ne le fais plus qu’exceptionnellement. En revanche, retrouver le goût du poulet, ça, c’était bon ! Mais quelque chose a changé chez moi : désormais, je construis mes menus autour des céréales ou des légumes, je ne pense plus aux protéines animales comme stars de l’assiette. Je cuisine différemment : sauce anzu, soja, miso, piments, j’en mets partout, et le résultat est plus fort en goût !

ELLE. Votre plat signature a longtemps été un démoniaque gâteau au chocolat. Aujourd'hui, vous le faîtes toujours ?

T.D.Oui, pour mes enfants, qui me le réclament pour Noël ou leurs anniversaires ! Mais mon best of, désormais, c’est le curry tomates tamarin, dont je donne la recette dans le livre, à base de tomates cerises caramélisées et de bouillon de tamarin. Je suis assez fière d’avoir fait autant évoluer mon palais à mon âge ! Avec ce livre, j’espère montrer qu’une autre façon de se nourrir est possible, hors de tout prosélytisme. Je suis aussi peu fan des vegans moralisateurs que des carnivores moqueurs. Manger doit rester un plaisir, et la gourmandise restera toujours mon moteur : le bourguignon de champignons, promis, c’est tout sauf une punition ! Opérer des changements doux et progressifs dans son alimentation est non seulement bon pour la planète, mais c’est la clé pour s’ouvrir à d’autres joies.

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ELLE. L’amoureux est parti, la sauce miso est restée, en somme ?

T.D.Voilà ! [Rires.] Et je ne remercierai jamais assez Andrew de m’avoir fait découvrir un autre univers gustatif, pas moins intéressant que celui que je connaissais déjà !

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À lire : « La (bonne) cuisine veggie et vegan d'une omnivore réticente (mais amoureuse) », de Trish Deseine (éd. Hachette).

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